partie histoireJe n'étais pas faite pour ce genre de chose, je n'avais même jamais eut l'intention d'envisager une telle union. Et pourtant, ce jour où Il m'a parlé. Il a changé ma vie. Les liens du mariage sont indestructibles, qu'importe où il se trouve, je porte sa présence dans ma chair et de mon âme. Et parfois, dans l'obscurité de mes nuits solitaires, bien loin de cette cité d'argent qui m'a vue naitre, je me demande: comment en est-on arrivé là ?
ASGARD - DATE INCONNUEFreyja s'était amusée en tressant ses cheveux d'une élégante façon, constata la jeune déesse tandis qu'elle observa, à la dérobée, son reflet dans l'une des vitres du palais. Avec un sourire satisfait, Sigyn s'arracha à sa contemplation, jouant avec la natte qui retombait lourdement sur son épaule tout en replaçant le tissu crème et or qui recouvrait l'autre. Freyja aimait la beauté: elle se devait donc d'être belle, songea-t-elle avec un peu de fierté qui lui permit de reprendre sa route, la tête haute, le pas assuré. Freyja n'était pas vraiment sa mère, mais elle l'avait élevé comme sa propre fille et en cela, Sigyn lui en serait toujours reconnaissante. Née d'obscures asgardiens, la petite fille avait été orpheline très tôt en raison des guerres qui arrachaient de valeureux guerrier à la citadelle des Ases mais avait eut la chance d'être recueillie par l'une de ses plus éminentes déesses. Sigyn admirait Freyja, elle savait la chance qu'elle avait de vivre auprès d'elle, de jouir de ses faveurs et de ses bénédictions. Elle n'avait rien d'exceptionnel: elle n'était qu'une parmi d'autre, une âme de plus que la reine aidait, dans sa grande bonté.
Les journées étaient douces, faites de rire et de jeu, de gourmandises et de compliment. Elle aimait cette existence paisible, cette paix qui vivait au sein d'Asgard comme nul part ailleurs. Loin d'être une valkyrie, Sigyn n'avait rien d'une combattante et ne pouvait observer que de loin, les hommes en armures qui apprenait à se battre pour protéger leur honneur et leurs vies. Parmi ceux là, il y en avait un qui avait ses faveurs. Theoric était comme elle: il n'était pas particulièrement beau ou puissant, mais il était gentil et prenait soin de la courtiser avec grâce et retenue. Cela avait commencé par quelques sourires à un banquet, puis par une promenade le long des chemins ombragées de la cité. Il la faisait rire, elle lui témoignait douceur et affection et alors, il lui demanda. Du moins c'était ce qu'il était supposé faire aujourd'hui même. Elle avait reçue d'une amie, un mot de sa part, la priant de le rejoindre non loin d'une fontaine romantique, au pied du palais. Freyja l'y avait autorisé avec un sourire en coin qui laissait supposer qu'elle savait. Freyja savait toujours tout.
Dans son armure rouge, caractérisant la garde rapprochée d'Odin, il semblait particulièrement élégant et elle ne se souvenait pas l'avoir vu aussi apprêté lors de ses dernières visites. Il la salua, elle lui rendit son sourire. Sigyn l'écouta parler, lui raconter combien appartenir aux Faucons Rouges était un honneur, combien il espérait que cela l'aide à se bâtir une réputation, à marquer de son nom, l'histoire de leur peuple. Et ce fut au moment où elle se dit qu'il devait avoir changé d'avis qu'il lui demanda. Rougissante, Sigyn hocha la tête vivement avant d'offrir un baiser à celui qui était, à présent, son fiancé mais avec la promesse que leur union ne serait célébré que lorsque Theoric aurait acquis ce fait d'arme qu'il désirait tant.
ASGARD - DATE INCONNUEIls ne se voyaient que rarement mais cela ne la dérangeait pas, elle savait qu'il oeuvrait pour leur avenir, pour leur futur et pour le nom qu'ils transmettraient à leur enfant. Cette amour, platonique puisqu'en dehors du baiser échangé lors de cette fameuse journée, Theoric refusa de la retoucher, lui convenait bien, lui laissant la possibilité de demeurer auprès de Freyja sans s'inquiéter de manquer à d'autres devoirs. Cependant, bien qu'elle n'en aurait jamais parlé à quiconque, Sigyn sentait comme un vide dans cette relation qu'elle aurait voulu plus passionnée. Présent ou non, Theoric ne changeait rien à ses états d'âme, à son désir de rester auprès de la reine, et elle n'était plus certaine de son désir d'épousailles.
Ce fut ainsi, perdue dans de sombres pensées qu'elle Le percuta. Elle l'avait déjà aperçut, dans un autre temps, auprès d'Odin, de Thor et de Freyja. Lui, le fils adoptif du dieu des dieux. Loki. Bien qu'elle lui trouva un certain charme et admirait cette intelligence qu'il dévoilait par moment, elle ne l'avait jamais approché et elle se doutait qu'il ne devait même pas savoir qui elle était. Ils avaient beau vivre au même endroit, ils appartenaient à deux mondes différents.
Pourtant, le destin semblait s'acharner. A chaque moment où elle se trouvait seule, sa route croisait celle du dieu sombre et bien que les quelques mots échangés la décontenançaient au point de se hater de retrouver Freyja pour l'oublier, elle devait reconnaitre être troublé par cet intérêt soudain qu'il avait pour elle. Contre toute attente, elle s'autorisa à avoir une conversation. Puis deux. Et vint le moment qu'elle attendait le moins. Elle qui n'était personne se voyait à présent courtisée par Loki. Une part d'elle en était heureuse, intriguée mais elle faisait naitre en elle la culpabilité vis-à-vis des engagements qu'elle avait envers un autre. Qui était-elle pour accorder ses faveurs au fils d'Odin alors qu'elle les avait déjà donné à Theoric ? Quelle genre de femme serait-elle de se laisser aller si facilement face à celui dont l'intelligence n'avait d'égal que la ruse ? Elle refusa. Sans attendre, sans hésitation. Elle était promise à un autre, elle ne pouvait se permettre d'être une femme volage et déloyale. Qu'importe qu'il eut fait naitre de drôle de sentiment au fond de son être ... Elle serait l'épouse de Theoric. Elle ignorait alors que c'était le début de la fin.
ASGARD - DATE INCONNUESon coeur manqua un battement tandis que le visage de son mari laissait place à celui d'un autre. Ce n'était pas son union avec Theoric qu'Odin venait de célébrer et bénir, ce n'était pas la main du Faucon Rouge qui se trouvait dans la sienne, ni même ses lèvres qui l'avait embrassé. Sa première pensée fut que le guerrier en serait outré, furieux, qu'elle aurait à se justifier avant que Loki n'annonce avoir mis un terme à ses jours bien plus tôt. Sigyn en fut abattue: qu'avait-elle fait ? La colère d'Odin fut à la hauteur de la stupeur des asgardiens présents ce jour-là: l'exil comme punition, l'annulation de cette farce comme réparation. Elle refusa: ce qui était fait, nul ne pouvait le défaire, par même le Père-de-toute-Chose. Elle était, à jamais et jusqu'à sa mort, liée à lui. Et puisqu'à présent, ils n'étaient qu'un, alors le bannissement la concernait également. Face à tant d'assurance et à cette étrange loyauté, Odin accepta, lui faisant grâce d'un titre pour récompenser cette noblesse d'âme, plus que pour féliciter son choix: déesse de la fidélité conjugale.
Cela n'empêcha nullement le couple de quitter Asgard durant deux longues années, conformément à la sentence prononcé par Odin. Deux années loin d'être idylliques mais qui lui permit de découvrir plus sincèrement celui qui était désormais son mari. La question l'obsédait: pourquoi avait-il fait cela ? Simple blague pour se moquer des Ases ? Véritable intérêt qu'il lui portait ? Il ne répondit jamais. Si elle ne pouvait l'accompagner partout, elle se trouva d'autre occupation, se renseignant sur les grands évènements d'Asgard, et sur ce monde étrange qui semblait attirer leur attention.
Revoir les siens la combla de joie et elle espérait que toute cette peine aurait assagit Loki. C'était sans compter son esprit revanchard et sa tendance à l'autodestruction. Impuissante, elle assista à l'irréparable lorsqu'il trouva le moyen de causer la mort du dieu bienaimé d'Asgard, Baldr. Si ce dernier revint rapidement d'entre les morts, la punition fut cette fois exemplaire et, comme toujours, elle s'y plia avec la seule dévotion qu'une épouse pouvait avoir pour son bien aimé. Voir Loki enchainé de la sorte, malmené par ses tourments, torturé par le venin du serpent lui causait une peine inimaginable: elle partageait sa douleur, regrettait leur liberté. Le châtiment de Loki était le sien et elle se tint au dessus de lui, son bol à la main pour empêcher le venin de la créature, de faire souffrir davantage le dieu désobéissant. Vint la fatigue, les douleurs de ses contorsions, l'épuisement psychologique. Elle faillit. Un instant, elle s'éclipsa: une seule seconde qui fit tout basculer. La relative confiance, la fragile complicité qu'ils avaient. Tout vola en éclat tandis qu'elle manqua cette goutte, tombant sur le front de Loki, lui causant d'atroces douleurs.
MIDGARD - JUIN 2018Elle ne parvenait à croire ce qu'elle venait de faire. Mentir n'était pas dans ses habitudes, mais elle savait que sans cela, jamais on ne l'aurait laissé quitté Asgard. C'était seule, au milieu de la grotte, qu'ils l'avaient retrouvé. Dès qu'il fut libéré du serpent, Loki s'en était allé ... Sans elle. Il l'avait laissé derrière comme l'un de ses méfaits accomplis, comme un objet qui lui était à présent inutile. Sa peine en fut immense. Elle pleura des jours entiers, réconfortée par Freyja et ses paroles bienveillante, se maudissant de sa faute dans la grotte malgré l'assurance qu'elle n'y était pour rien. Et puis, elle s'était décidée. Elle avait réussi à convaincre Heimdall de la laisser partir, assurant qu'elle n'y allait pas pour réparer son coeur brisé, mais bien pour aider Thor à retrouver son demi-frère. Loyauté vacillante, inconstante, ironique pour la déesse de la fidélité. Sigyn ne savait pas ce qui la poussait à partir, mais elle devait le retrouver.
Elle le chercha sans relâche, apprenant de cet univers étrange qu'était Midgard sans parvenir à totalement s'y intégrer. Elle changeait de patronyme au fil des rencontres, comme des existences éphémères, ne gardant que son prénom en espérant qu'il attise sa convoitise. Elle laissait derrière elle de quoi la retrouver, une piste, un jeu, pour lui. Si elle ne parvenait à le rejoindre, peut être attiserait-elle son intérêt. Ce fut un échec. Il ne vint pas ce jour là. Ni aucun autre jour.
MIDGARD - AOUT 2018Elle avait fuit, après l'A-Day, comprenant ce que cela impliquait si on découvrait qu'elle était l'épouse de Loki, la belle-soeur de Thor, alors jugé comme un criminel. En un mois, ceux qui étaient considérés comme des sauveurs devenaient des parias, les héros étaient les grands méchants de cette histoire qui, indirectement, l'impactait aussi. Elle trouva refuge auprès d'Asgardia, auprès des siens, s'effondrant dans les bras de ces amis qu'elle avait abandonné dans sa course pour retrouver Loki, se réconfortant de la présence de Thor, de Sif malgré les réprimandes et les regards désapprobateur auxquels elle dut faire face à son arrivée. Qui pouvait reprocher à la déesse de la fidélité conjugale d'avoir voulu retrouver son époux ? Si on lui en tint rigueur, cela ne dura pas: Sigyn se voulait coopérative, elle n'avait rien trouvé menant sur la piste de son mari, mais elle débordait d'une bonne volonté qui ne pouvait être ignorée. Assistant petit à petit à la noirceur de Midgard, elle n'oubliait pas que, sous ce même ciel, se trouvait celui qu'elle cherchait tant.
On lui trouva une place à l'infirmerie, la mettant à contribution pour accueillir les réfugiés, apaisé les blessés. Elle mettait du coeur à l'ouvrage, trouvant dans ce travail, un moyen d'exorciser ses propres obsessions. Bien que ne possédant aucun don de guérison, elle faisait de son mieux et, au fil des jours, il lui semblait que ce visage, qu'elle avait tant voulu revoir, s'effaçait de sa mémoire. Il aurait pu être n'importe où. Il aurait pu se cacher sous les traits de cet enfant, à la jambe cassée, ou dans le corps de cette femme, épuisée. Mais elle ne voyait Son regard dans aucun d'eux. Il était parti, il l'avait abandonné, elle devait se faire une raison.
ASGARDIA - DE NOS JOURSElle dissimula sa chevelure blonde sous la capuche d'un sweat-shirt. Elle n'avait jamais rien trouvé d'extraordinaire à la mode de Midgard: cela pouvait paraitre grossier ou vulgaire très rapidement et elle était une dame raffinée ! Mais cela ferait l'affaire. Elle se glissa hors de l'infirmerie: toutes les personnes s'y trouvant dormaient à poings fermés, elle y avait veillé. Elle marcha rapidement à travers les couloirs du Refuge, se dirigeant à travers les espaces comme si elle connaissait ce labyrinthe par coeur, et se retrouva devant la porte. Cette grande porte qui séparait leur refuge du reste du monde. Une porte. Et des mètres de vide sous ses pieds. Elle soupira, s'adossant à un mur, bras croisé sur sa poitrine. L'impuissance la frustrait: elle ne parvenait à se satisfaire de cette vie qu'elle menait depuis deux ans. Reléguée au rang d'infirmière tandis que d'autre menaient des batailles, tandis qu'on oubliait qu'Il était là. Celui qu'elle ne nommait plus, l'absence de son nom le rendant encore plus sacré.
Derrière son apparente docilité, Sigyn brulait d'un feu vivace: la peine avait laissé place à la colère, son deuil ne se terminerait jamais. Pas tant qu'elle n'aurait retrouvé son mari, pas tant qu'elle ne lui aurait dit sa manière de penser face à toutes les frasques dans lesquelles il l'impliquait sans attendre son avis. Tromperie, mensonge, adultère, elle avait tout pardonné. Mais l'abandon, Jamais ! Aider Thor n'était qu'un moyen, une manière d'obtenir des informations qu'elle n'aurait jamais eut seule, d'apprendre à découvrir Midgard plutôt que d'être renvoyée dans la tour dorée d'Asgard où elle serait surveillée nuit et jour.
Quand à ce qu'elle ferait en le retrouvant ...
A qui irait sa fidélité en dernier recours ? Elle l'ignorait totalement mais sans doute à ce petit être dont elle avait, jusque là, tut l'existence.