partie histoireA l'air libre, lunettes de soleil sur le nez, je prenais un bain de soleil, la jambe balançant dans le vide contre le conteneur de métal sur le bord duquel j'étais allongé sur le dos. Genou plié, mon autre pied tapait en rythme sur l'acier en suivant le flow musical de mes écouteurs, tandis que je croquais dans la barre de céréales tout juste dégottée en super-vitesse à mon arrivée sur le cargo pétrolier. J'étais au beau milieu du Pacifique, je faisais une petite halte méritée le temps de reprendre quelques calories et de profiter du beau temps loin des continents, et des cons tout court. J'avais entassé des dizaines de barres de céréales juste à côté de moi, volées dans la cabine d'un des marins occupé à son poste sans doute. J'avais piqué quelques comics dans une autre cabine, que je lisais une main tendue à moitié par-dessus mon visage comme si de rien n'était. Le bruit des vagues que perçait l'avant du navire avait quelque chose de reposant. Franchement, c'était le kiff. La liberté totale, d'aller où je voulais quand je voulais, sans contrainte, sans personne pour m'en empêcher. Que demander de plus. Si aujourd'hui je savourais ma vie à trois-cent pour cent c'était bien parce que je n'en avais pas toujours eu l'opportunité.
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Quatre ans auparavant.
« Get the fuck off assholes ! » éructai-je, violent, près à me battre, l'oeil noir et analysant tous les individus qui entraient dans ce qui me servait de chambre, bien que cela soit davantage une prison. Quelque chose n'allait pas et c'était un euphémisme. Cela faisait seulement deux jours que j'avais été incarcéré de force dans cet Institut juvénile pour délinquants en perdition - ce que j'étais clairement - et voilà qu'une escouade d'inconnus dans tenues militaires débarquaient. Je m'étais levé de mon lit en posture de combat mais tout ce que je réussis à faire fut de chanceler à cause des médicaments qu'ils me foutaient dans le sang depuis mon arrivée ici. Je renversai la petite table, la chaise, me rattrapai au mur. Ce fut leur avancée menaçante vers moi qui cependant me fouetta dans l'instant. Je savais bien qu'après avoir ravagé mon lycée entier et causé des milliers de blessés en perdant le contrôle de mes pouvoirs dans un accès de colère, le gouvernement n'allait pas fermer les yeux.
J'avais entendu les rumeurs, je savais que les X-men et la Confrérie n'agissaient pas sans raison. Voilà que c'était moi qu'ils venaient chercher ! Ils pouvaient rêver ! Dans un cri de rage je me mis à courir à toute vitesse dans la chambre, sur les murs, les parois de toute sorte, mais ces salauds avaient fermé la porte et la bloquaient avec des matraques électriques que je ne pouvais espérer enlever sans être K.O. vu mon état. Alors je courrai, apeuré, furieux, rebelle jusqu'au bout, fracassant les soldats, leurs bras, leurs genoux, la nuque de l'un d'eux qui mourut sur le coup, autant que je pouvais sur mon passage comme un lion enfermé dans une cage trop petite. Mais l'un avait jeté une grenade et le gaz ne mit qu'une seconde à remplir la pièce. Je perdis de la vitesse, les médicaments m'handicapant déjà bien trop, et finis par succomber au gaz soporifique qu'eux ne craignaient pas grâce à leurs masques à gaz. Je m'écroulai sur le dos en dérapant sur le dernier mur que j'avais tenté de grimper en courant et ce fut le blackout.
J'essayai de hurler, mais seuls des "mmh" sortaient de ma bouche muselée. Je tentai de bouger, mais tous mes membres, tout mon corps était farouchement attaché sur une table verticale avec des sangles serrées à m'en faire mal. Mon coeur battait vite, si vite, sous la peur de ne pas savoir où j'étais, ni pourquoi on me séquestrait de la sorte, même si je n'étais pas dupe. J'en avais vu des films sur les expérimentations des gens différents. Cette pièce blanche, visiblement en sous-sol, et ma situation de prisonnier empêchant toute utilisation de mes pouvoirs à peine découverts, étaient assez d'éléments suffisant à me faire comprendre que j'étais perdu. Je voyais des scientifiques au-delà de la glace blindée qui me faisait face, qui examinaient d'autres adolescents prisonniers comme moi. Je hurlai encore. Je les voyais en taser et frapper certains, sur d'autres injecter des seringues de force. J'avais envie de pleurer, et effectivement des larmes de détresse sortirent malgré moi de mes yeux clairs tandis que je remuais comme je pouvais, en vain. Plus encore, la rage. L'indomptable rage qui m'habitait me donnait envie de tuer tous ces fils de chien. Pas le temps de me demander pourquoi ils nous en voulaient à ce point, mais plutôt comment sortir d'ici vivant. Je ne savais même pas combien de temps j'étais resté évanoui depuis l'Institut, ni si je l'avais quitté ou si j'étais simplement dans les sous-sols. Aucun repère temporel ni spatial. Les bâtards.
Panique. Voilà que des types venaient de nouveau. Les lâches de m'immobiliser, s'ils me lâchaient je me ferais un plaisir de leur exploser le crâne ! En vrai je n'avais jamais tué personne volontairement mais ma colère et ma terreur de proie au milieu d'étrangers prédateurs me faisait penser que je pouvais facilement franchir le pas pour peu que l'occasion se présentait.
« Do it. » Il n'y eut pas d'autres mots. Les types brandirent des matraques et barres de fer, et se mirent sans sommation à me taper dessus avec une terrible brutalité. A moitié suffoquant je ne pus même pas hurler, bâillonné par la sangle, tandis que je sentais mes os se briser par endroit au fil de leur acharnement. Tant de douleurs vives, tant de haine. Je crus m'évanouir de souffrance physique et de fatigue à encaisser impuissant ce passage à tabac mais je tins bon, bien malgré moi. Ils finirent par s'arrêter, sur le même ordre bref de leur chef.
Ce dernier s'approcha, souleva mes paupières pour vérifier mes iris et ma tension. Plus rien n'avait de sens. Il consulta sa montre et activa un microphone dans lequel il indiqua la date précise ainsi que l'objet de la situation.
« Test number eight : time needed to heal from severe but not lethal physical injuries. Attempt to determine if the body constitution of the convict 76, allows him to heal faster, as he demonstrated being able to run at high speeds. » J'aurais voulu lui cracher à la gueule, mais j'étais trop faible, et sanglé. Néanmoins je fus assez conscient pour réaliser qu'il parlait du huitième test sur moi. Je paniquai de nouveau en silence, me demandant quels étaient les sept premiers qu'ils avaient dû faire durant mon état inconscient. Des seringues, des électrochocs, ou autres tortures inimaginables encore pour mon esprit adolescent pourtant peu naïf. Le chef repartit avec ses sbires, refermant la cellule. Je sombrai. Encore et encore. Chaque jour, chaque nuit, sans savoir quand était l'un ou l'autre tant je ne voyais plus le jour, je sombrais dans les méandres de douleurs toujours plus terribles, physiques, puis psychologiques, que l'on m'infligeait dans ces laboratoires clandestins. Et mes parents, Frank et Mary, qui devaient ne plus savoir où j'étais, voire penser que j'étais mort. Les kidnappings qui s'éternisaient, sans demande de rançon, c'était bien connu que ça ne donnait qu'une seule fin pour le kidnappé : la mort.
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Je posai mon comics sur le côté et frottai mes yeux avec mes poings l'espace d'un instant, soulevant les lunettes juste assez pour ce geste. Je gardai un instant mes points en pression contre mes yeux clos comme un massage involontaire pour chasser une souffrance psychique tout aussi intrusive. Repenser à ces mois enfermé à la merci de ces savants fous avait le don de me déstabiliser, même si je donnais toutes les apparences prouvant que j'avais tourné la page depuis longtemps. Heureusement, j'avais des souvenirs positifs pour chasser ces traumatismes. Je savais aussi aujourd'hui, que Frank et Mary m'avaient adopté. Ce qui n'enlevait rien à l'affection que j'avais eu pour eux. Cela avait juste expliqué plus facilement pourquoi je ne m'étais jamais senti à ma place nulle part, pourquoi j'avais toujours été un garçon turbulent, ingérable, hyperactif et fauteur de trouble dès mon plus jeune âge. Ce qui ne s'était pas arrangé en grandissant. Renvoyé de plusieurs écoles et collèges, jusqu'à faire imploser le dernier. Super Tommy, super. Voilà où ça m'avait mené : droit chez les psychopathes fou furieux et leurs expériences illégales dans cet institut pour jeunes. Couverture de merde pour des détraqués qui torturaient des enfants et des adolescents à pouvoirs.
Passé cette parenthèse de contenance, je repris ma BD et entamai ma neuvième barre de céréales, préférant chasser le négatif par les meilleurs moments de ma vie. En tête de liste, il y avait clairement ma rencontre avec ceux qui allaient devenir mes meilleurs alliés, puis amis. Je serais probablement mort des injections et des maltraitances de ces tarés si une belle brune et sa clique de héros en apprentissage n'était pas venu planter des flèches dans tous les corps de ces abrutis pour venir me libérer de là. Ma première volonté en étant libéré de mes sangles avait été de vouloir littéralement tous les tuer, vraiment. Ce que j'avais commencé à faire dans l'instant en attaquant violemment les premiers à ma portée. Mais les Young Avengers - c'était leur nom, et désormais le mien aussi - m'avaient empêché de faire cette erreur, qui m'aurait fait basculer dans une spirale de haine et de vengeance interminable. Grâce à Kate, plus que quiconque, j'avais retrouvé petit à petit une vie plus normale, si on pouvait le dire ainsi. Je retrouvais pied, bien que définitivement plus hargneux et cynique que jamais depuis ma séquestration malsaine et les traumatismes qui en découlaient. Ils étaient venu me chercher avant tout pour que je les aide à sauver Hulkling, un de leurs membres, ce que je fis, pour me défouler et payer ma dette envers eux.
Je me souvenais parfaitement ma résistance à leurs invitations à les rejoindre dans leur petit groupe de héros novices. En plus, le fait de ressembler à Billy m'avait fait flipper, inconsciemment. Très peu pour moi, l'électron libre, qui enfin sorti de cet enfer, voulait tout sauf se rattacher à quoi que ce soit. Mais voilà, à cause d'eux, ou grâce à eux, difficile à dire, je m'étais retrouvé à combattre un Super-Skrull, et à prendre part à de la géopolitique intergalactique pour éviter à la Terre de devenir le champ de bataille des Kree et des Skrulls. Ah pour sûr ça m'avait changé des cours d'algèbre dans ce lycée de merde où je m'étais embrouillé dix fois par semaine avec toutes les brutes sans cervelles qui passaient dans mon champ de vision. Le plus marrant c'était quand même quand mes insultes étaient trop intelligentes pour qu'ils comprennent et que dans le doute ils voulaient me taper. M'enfin, ma vie avait changé depuis l'Institut et ma rencontre avec les Young Avengers. Je finis par céder, bien que réticent à l'idée de me qualifier de héros à leurs côtés vu que j'étais plutôt éloigné du concept, et les rejoignis en prenant le nom de code de Speed. Je pris ainsi officiellement le rôle du plus indiscipliné et ingérable membre de l'équipe, celui avec probablement le moins de scrupules en... en tout.
Bien sûr, rien ne pouvait rester simple. La Guerre Civile éclata entre les Avengers et héros du monde. Sans hésitation, je choisis le camp hors-la-loi du Captain. L'autorité et les prisons pour surhumains, autant dire que j'en avais eu ma dose, plus jamais on ne me foutrait dans une cellule, en tout cas pas vivant ni volontairement. Clandestin, je combattis au sein de mon équipe, avec les Secret Avengers jusqu'à ce que tout ce bordel se tasse enfin. Bien que j'avais eu peine à accepter le fait que Billy soit mon jumeau, l'idée avait fait son chemin en joignant les infos de nos vies morcelées bout à bout. Partir à la recherche de la Sorcière Rouge était alors devenu une évidence, pour éclaircir les zones d'ombres sur nos existences. Ce que mon frère et moi fîmes. Voyage express en super-vitesse, de Genosha au Wundagore, notre périple nous permit d'apprendre qui étaient Thomas et William autrefois, et pourquoi nous étions désormais eux aujourd'hui. Les conséquences subconscientes du retour à la normale après House of M : Wanda avait recréé ses enfants perdus dans cette réalité retrouvée, à la différence que nous n'avions pas atterri auprès d'elle et de notre père Vision, mais des familles Shepherd et Kaplan. Autant vous dire qu'apprendre que j'étais le fils de l'une des surhumaines les plus puissantes du multivers ne fut pas pour me déplaire. C'était juste trop stylé. Flippant, terrifiant, mais stylé. Effet domino, cela voulait dire que Pietro était mon oncle, Lorna ma tante, et plus encore... Magnéto était mon grand-père. Boum baby ! Famille de ouf.
Du coup, vie de ouf aussi. Invasion Skrulls, siège d'Asgard, tout ça tout ça. J'ai été le coursier attitré d'Iron Man durant cette dernière situation mondiale merdique où Osborn a cru qu'il pouvait attaquer les dieux nordiques tranquillement. Des centaines de milliers de kilomètres au compteur, des milliers de vies sauvées contre les aliens et les tyrans de tout bord, sans pour autant me gêner quand il s'agissait d'être moi-même hors-la-loi si le coeur m'en disait, la belle vie quoi. Adrénaline au max, je ne demandais pas mieux que d'être occupé de la sorte, vu mon impatience et mon hyperactivité notoires.
« HEY ! YOU UP THERE ! WHAT THE FUCK ARE YOU DOIN' HERE ?! » Tiré de mes songes par cette grosse voix rauque de marin pas content, je me redressai assis sur le bord du conteneur métallique pour le regarder, lui mais aussi les autres pas loin aussi sceptiques par ma présence.
« Eating. And reading. Sort of. Don't worry i'll be gone soon, i have a date in Hawaï, » répondis-je le plus nonchalamment du monde, qui plus est sincère, en balançant mes jambes d'avant en arrière contre la paroi. L'insolence tranquille.
« Rob', i think i know him, he's the fast guy from the teenage avengers squad or somethin' like that, » indiqua l'un des gars qui plissait des yeux sous le soleil pour tenter de m'identifier.
« Don't care, he stole my food ! That's not a hero thing ! » s'agaça le premier.
« YOU HEAR US LITTLE PRICK ! COME DOWN HERE AND GIVE ME BACK MY FOOD OR I'LL TEACH YOU SOME MANNERS ! » Un sourcil en coin amusé naquit sur mes lèvres alors que je persistais à les toiser de mon perchoir.
« Why don't you come get it yourself ? Maybe you can move your big lazy ass up there and show me what are those manners you talk about, 'cause for now i see none, nowhere, » le narguai-je en mettant ma paume en visière sur mon front pour feindre de regarder dans toutes les directions vers l'horizon océanique.
« I'm waiting for you here, i swear, i give you ten minutes, because after that i have this beautiful chick to meet on Waikiki beach and the travel from this crap boat is at least seven minutes long, can't be late, gotta go on time, » expliquai-je en remettant mes écouteurs dans les oreilles pour me rallonger. Je consultai ma montre histoire de calculer le temps et repris ma lecture.
Soudain, une main m'empoigna le col pour me soulever de terre et me remettre debout.
« Here you are little jerk ! Gotcha ! Now we'll talk ! » ragea le fameux Rob' prêt à m'en coller une alors que j'écarquillai les yeux sous la surprise de voir son gros nez face à moi. Il était parvenu à monter sur mon conteneur, troisième de la pile tout de même, bel exploit pour un gros tas rempli de rhum et de sardines en conserve.
« Well, good game, but your food is not on this container, » souris-je, jamais surpris bien longtemps. Je lui indiquai de l'index le conteneur d'à côté, plus haut, sur le bord duquel j'avais préalablement rangé en super-vitesse les dernières barres de céréales en un petit château bancal mais visible. Le temps qu'il mit à regarder, je m'étais défait de sa poigne en phasant mon col hors de sa main. Est-ce que ça m'amusait de bully des marins qui n'avaient rien demandé ? Oui. Voilà que j'étais au bord de notre conteneur commun à hausser les épaules et les mains en guise de réponse à son air surpris et encore plus énervé. Il voulut me foncer dessus mais ne réussit qu'à trébucher. J'avais noué ses lacets dans la volée de mon escapade. Coup classique. Défait sa ceinture aussi. Il en perdit partiellement son froc sur les cuisses.
« Nice panties, » raillai-je, mort de rire, insensible au flot de jurons qu'il m'envoya. Mais en l'entendant se stopper d'un coup je le regardai et son regard me fit cesser de rire aussitôt. Je suivis ses yeux derrière moi, pour apercevoir à l'horizon d'énormes nuages d'une étrange couleur qui avançaient vers nous. Ils couvraient toute la longueur de l'horizon et avançaient vite. D'un coup méfiant et inquiet, je redevins sérieux et partis en trombe vers le nuage pour aller voir de plus près. N'étant pas assez débile pour rentrer dedans je me contentai de courir en parallèle de sa ligne de crète, qui gagnait du terrain inexorablement et me forçait à m'adapter pour ne pas me faire happer dedans. Qu'est-ce que c'était que ce délire. Le nuage était à ras de l'eau, la contaminait aussi vite que les airs.
« Kate ? Kate do you hear me ? Tommy speaking, answer me please ! There's a big fog moving on the pacific ocean, what's going on, did Hulk fart again ? » J'aurais bien ri de ma propre blague mais le silence radio suffisait à me rendre bien trop nerveux pour ça.
« Kate ? Billy ? Cassie ? Anyone of the team ?! It comes from the continent i think, do you have intel on this ? » Je changeai les canaux de communication de mon oreillette avec de plus en plus de désespoir, réalisant que peut-être ce nuage avait déjà envahi les Etats-Unis et autres parties terrestres sans savoir ce que c'était. Tout ce que je savais c'était que je ne voulais pas aller dedans !
« Shitshitshitshitshitshit. » Définitivement inquiet pour mes amis, Kate en tête de liste. Je finis par décider de retourner à toute vitesse au navire, l'eau éclatant sous mes pas rapides autour de moi.
« Alright guys, no playing anymore, it's not a normal storm or fog, and i have no contact with land ! Critical situation you gotta get off of this ship now ! » informai-je en dérapant sur le pont du navire, le coeur battant à toute vitesse. Sans attendre leur aval, je refagottai Rob' en super-vitesse, larguai un premier canot de secours à l'eau et les entassai dedans pour un premier export. Saisissant la corde, je m'attachai avec et partis en trombe à travers l'océan pour les amener sur la terre ferme la plus proche où j'espérais qu'ils pourraient se terre à l'abri dans une cave hermétique ou quelque chose du genre. Dur de trainer autant de poids sur l'eau en maintenant une vitesse assez rapide pour ne pas couler, mais l'adrénaline m'y aida, à peu près autant que tous les entrainements faits ces six dernières années pour améliorer mes aptitudes et ma résilience. Mais cela ne suffit pas.
Lorsque je revins chercher le reste de l'équipage, épuisé mais déterminé, je ne pus que voir au loin le navire se faire happer par le gaz. Les cris me parvinrent, déchirants, si déchirants face à la mort devinable sans y être, que je faillis trop ralentir et trébucher sur l'eau. Je me rattrapai de justesse et fit un demi-tour express pour fuir le brouillard mortel - du moins le pensais-je en cet instant - puisant dans toute mon énergie pour ne rien lâcher et retrouver la terre ferme. Mais voilà, tirer le premier canot m'avait épuisé, et l'inquiétude pour mes amis n'arrangea rien à mon sort. Je finis par trébucher sur une ondulation marine et ricochai violemment sur la surface à m'en sonner à moitié. A peine le temps de nager pour rester à l'air libre, que le nuage me fondit dessus. Je poussai un cri de terreur tout seul au milieu de l'océan, que personne n'entendit bien sûr.
Je m'attendis à mourir sur le coup comme les marins, mais il s'avéra que je ne ressentis... pratiquement rien. Un léger picotement et surtout une toux grasse à cause de l'épaisseur du gaz, mais qui ne me tua nullement et j'en fus le premier surpris. Par contre l'eau était putain de froide ! Il fallait que je m'active où j'allais mourir d'épuisement et d'hypothermie. Impossible de rejoindre la terre ferme à des centaines de kilomètres, mieux valait que je tente de rejoindre le bateau qui n'était qu'à quelques centaines de mètres, ce que je fis un peu à tâtons avec ma mémoire de l'orientation et de ma dernière vision du navire. Une fois parvenu dessus, je trébuchai dans le brouillard toujours pénétrant, sur les corps de certains marins défigurés par la souffrance des derniers instants. Je faillis vomir, mais j'avais l'estomac vidé par les calories dépensées. Quelle chance. Essayant de passer outre, frigorifié et sonné par la situation, je pénétrai dans le ventre de métal pour trouver un lit, des couvertures, et de la bouffe afin de regagner en énergie. Besoin de dormir, de récupérer, d'oublier ces chocs multiples. Cette journée qui partait si bien avait basculé dans l'enfer en quelques secondes. Oui, mieux valait shut down et dormir, j'aviserais bien au réveil. Au moins ici j'étais à peu près en sécurité pour quelques heures le temps d'activer mon super-pouvoir le plus efficace : la super-débrouille, cette capacité que j'avais à me foutre dans la merde et à savoir tout autant en sortir tout seul. Caractère solitaire et hargneux, ça avait ses avantages.
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Deux ans depuis le A-Day. Oui ce truc avait un nom officiel. A peu près autant depuis la mort du grand Captain. Je courrais, encore et toujours. Le soleil de plomb de Genosha se reflétait sur mes lunettes de course tandis que je faisais le coursier en long en large et en travers pour la nouvelle nation mutante que mon grand-père avait bâti avec le Professeur X. Ma dernière course de la journée faite pour aider les mutants les plus malades à avoir leurs médicaments de ralentissement du M-Pox à temps, je freinais une fois dans ma chambre pour finir par me jeter dans mon pieu, rapidement changé pour une tenue civile, exténué. Mon regard se porta sur la grande carte du monde que j'avais accrochée au mur non loin, bardé de points, de notations, de punaises de toutes couleurs. J'avais balayé déjà des centaines de villes en deux ans, toutes marquées sur la carte. Mais impossible de retrouver mon frère, et encore moins ma mère ou mon oncle.
Deux ans sans mon jumeau, même pour moi l'électron libre casse-couilles et solitaire qui "n'avait besoin de personne", bah c'était long. Très long. L'angoisse, la peur qu'il soit mort depuis longtemps déjà sans que je ne le sache. J'espérais que notre lien me permettrait de le sentir, et je me raccrochais à ça pour ne pas perdre espoir en me persuadant que, n'ayant rien ressenti de violent, il ne pouvait qu'être encore vivant. Mais il était si gentil cet idiot, qu'à tous les coups il s'était fourré dans une situation de merde pas possible. Ou alors, ils vivaient tous ensemble, avec ma mère et mon oncle, tranquillement cachés quelque part et se foutaient de me retrouver. Seule ma tante Lorna était dans mon périmètre de vie. Je préférais ne pas penser à cette éventualité, trop révélatrice de mon sentiment d'infériorité par rapport à mon frère si positif, si parfait, contrairement à mon caractère de merde dont personne n'avait jamais voulu depuis ma naissance. Je ne pouvais même pas leur en vouloir.
Affalé dans mon lit, je tâtonnai sur la table de chevet sans regarder pour dégotter une fléchette. Sans trop viser, je la lançai sur la carte du monde. Nouvelle ville à visiter dans deux heures en super-vitesse sous le nez de l'AIM. Parfois c'était tendu, parfois c'était facile, mais dans tous les cas, j'y fonçai tête baissée et advienne que pourra. Hors de question que je reste planté là sans tout tenter pour retrouver cette famille que je pensais ne jamais avoir.
Je fronçai les sourcils en remarquant que la fléchette ne s'était pas plantée n'importe où. La Latvérie. Ca devait bien faire la septième fois en deux ans que mes tirs aléatoires finissaient sur ce royaume inaccessible et que je me refusais à tenter d'y aller. Il y avait jouer avec le feu, comme l'AIM, l'HYDRA et tous ces clampins, et il y avait jouer avec les enfers et une mort fort probable face à un être supérieurement intelligent et imprévisible, à savoir Doom, qu'aucun héros sur Terre ne parvenait jamais à vaincre. J'avais bien fait le tour des frontières une fois mais avais vite rebroussé chemin à cause de l'AIM qui surveillait elle-même intensément le pays de Doom. Je plongeai ma tête dans mon oreiller en grognant. J'allais devoir tirer une autre fléchette, impossible d'aller là-bas. Après un instant je ressortis un oeil en fixant la carte. En fixant ce royaume terrifiant au milieu. Oh et puis merde, Edison n'avait pas fait fonctionner son ampoule du premier coup. Je devais persister, peut-être que je finirais par trouver comment rentrer en douce dans ce royaume. Qu'est-ce que j'avais à perdre de toute façon ? Un grand-père trop occupé par la politique de Genosha ? Mes amis des Young Avengers et des X-men ? Non. J'allais y aller seul. Hors de question de mettre Kate en danger sans raison valable. C'était ma famille, ça ne regardait que moi.
Je voulus me reposer avant mon départ clandestin pour Doom paradize, mais impossible de dormir avec le stress que cette tentative engendrait déjà en moi. Fatigué mais voulant en avoir le coeur net, je finis par me rhabiller avec mon uniforme de Speed. Je ne pouvais tenir en place. Il fallait que je les retrouve. Et peu importait que le Gaz Terrigen ait rendu ponctuellement mes capacités instables. Apparemment je subissais moins les effets que la plupart des mutants. Merci la filiation bizarre avec un synthezoid et une mutante-magico-épique. Ca devait ralentir un peu, même si parfois je merdais pas mal mes courses et que j'avais déjà fini à l'hosto plus d'une fois. Rien pour me convaincre de me calmer. Plus les choses s'opposaient à moi, plus je persistais, en vraie tête de noeud entêtée que j'étais. Je vissai mes lunettes orangées sur mes yeux, mangeai six ou sept barres protéinées en vitesse, craquai ma nuque de côté, étirai de nouveau mes membres, puis je partis. L'avantage d'être le petit-fiston de Magnéto, c'était que je pouvais gruger le système de gestion des frontières avec des bobards, quand tracer sous le nez des gardiens ne suffisait pas. Laissez passer le royal grandson bande de nazes.
Ce dernier a rendez-vous avec la Latvérie et une probable nouvelle connerie en perspective.